Page:Paris - Légendes du Moyen-Âge.djvu/139

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mes compagnes
Pour être toujours votre femme.

– Si je prenais une autre femme
Que celle que j’ai dans la pensée,
Au feu de l’enfer
Il me faudrait brûler éternellement[1].

– Vous parlez tant du feu de l’enfer,
Et pourtant vous ne l’avez pas senti ;
Pensez à mes lèvres rouges
Qui rient à toute heure.

– Que me font vos lèvres rouges ?
Je ne m’en soucie pas[2]
Donnez-moi congé, noble dame,
De votre corps orgueilleux.

–Tannhäuser, ne parlez pas ainsi !
Revenez à d’autres pensées :
Allons dans ma chambrette,
Et jouissons du noble jeu d’amour !

– Votre amour m’est devenu déplaisant ;
Je devine vos mauvaises pensées :
Je vois au feu de vos yeux
Que vous êtes une diablesse[3]… »

  1. Dans la version suisse, Vénus promet « sa plus jeune fille ». La réponse de Tannhäuser (pareille dans toutes les versions) est peu claire : a-t-il une fiancée, ou veut-il parler de la Vierge Marie ?
  2. Je passe ici huit vers qui répètent à peu près les précédents.
  3. Je traduis ce quatrain d’après des variantes et j’omets ensuite trois quatrains qui appellent cependant quelques remarques. Vénus finit par donner congé à Tannhäuser et lui recommande de la célébrer ; la chanson ne donne pas de suite à cette indication, dont Wagner s’est inspiré pour la scène de la Wartburg. – Elle lui dit aussi : « Prends congé des vieillards », désignant sans doute les plus anciens des habitants de la montagne, auxquels, dans les habitudes courtoises du Moyen Âge, il devait demander congé avant de partir. S’appuyant sur la leçon d’une seule version (la plus ancienne, il est vrai) « du vieillard », – on a voulu trouver là la mention du « fidèle Eckart », personnage de la vieille épopée germanique qu’on trouve mêlé à quelques descriptions du Venusberg ; mais cela est tout à fait invraisemblable, Il est même possible que la variante danoise, qui dit : « Nous vous montrerons le chemin », ait ici conservé la forme primitive (voir le récit d’Antoine de la Sale). Dans un Meisterlied, qui est peut-être du XVe siècle, on lit : « Prends congé du vert rameau. »