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ACTE III.
ALCIONNE’E.

Aymable Sthenobée, à quoy bon tant de plaintes ?
Et puis qu’enfin l’amour t’a donné des attaintes,
Puiſque ton chaſte cœur a malgré tes efforts
Flechy deſſous les loix qui cauſent tes remors,
Vn ſi digne ſubiet te peut rendre excuſable,
Ses merites rendront ton amour pardonnable.
Mais ie m’eſtonne encor, que ce bel inconnu,
Depuis quelques momens qu’il eſt icy venu,
Ait peu charmer ton cœur auec tant d’avantage ?

STHENOBE’E.

Helas ! tu t’es trompée en tenant ce langage ;
Ie le vis vne fois au temple de Venus,
Et d’autres auec luy qui m’eſtoient inconnus :
Rien ne me plûst que luy ; mais il me pleuſt de ſorte,[illisible]
Que la premiere loy ne fuſt pas aſſez forte
Pour reſiſter aux coups d’vn vainqueur ſi parfait,
Tout l’effort que ie fis ſe trouua ſans effet.
Ie luy parlay touſiours pendant quelques iournées,
Qui pour ſacriffier nous furent ordonnées :
Enfin il paroiſſoit ſi charmant à mes yeux,
Que mon cœur auſſi toſt en conceut ces beaux feux.
Pour luy, ie ne ſçay pas quelle eſtoit ſa pensée ?
Ie ne ſçay ſi pour moy ſon ame fuſt bleſſée ?
Quoy qu’il me teſmoignaſt beaucoup d’empreſſement,
Il me traittoit touſiours fort ſerieuſement,
Par des certains reſpects remplis d’indifference,
Qui banniſſoit d’abord ma plus douce eſperance :
Et s’eſtendoit touſiours ſur ce peu de beauté,
Qui ne pût neantmoins rauir ſa liberté :
Car bien qu’il ſouſpiraſt eſtant à ma preſence,
Ie remarquois en luy beaucoup d’impatience :
Ie n’eſtois pas touſiours l’obiet de ſes regards,