Page:Pascal - Oeuvres complètes, II.djvu/22

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médiatement par Jésus-Christ. Car si nous ne passons par le milieu, nous ne trouverons en nous que de véritables malheurs ou des plaisirs abominables ; mais si nous considérons toutes choses en Jésus-Christ, nous trouverons toute consolation, toute satisfaction, toute édification.

Considérons donc la mort en Jésus-Christ, et non pas sans Jésus-Christ. Sans Jésus-Christ elle est horrible, elle est détestable, et l’horreur de la nature. En Jésus-Christ elle est tout autre ; elle est aimable, sainte, et la joie du fidèle. Tout est doux en Jésus-Christ, jusqu’à la mort : et c’est pourquoi il a souffert et est mort pour sanctifier la mort et les souffrances ; et que, comme Dieu et comme homme, il a été tout ce qu’il y a de grand et tout ce qu’il y a d’abject, afin de sanctifier en soi toutes choses, excepté le péché, et pour être modèle de toutes les conditions.

Pour considérer ce que c’est que la mort, et la mort en Jésus-Christ, il faut voir quel rang elle tient dans son sacrifice continuel et sans interruption, et pour cela remarquer que dans les sacrifices la principale partie est la mort de l’hostie. L’oblation et la sanctification qui précèdent sont des dispositions ; mais l’accomplissement est la mort, dans laquelle, par l’anéantissement de la vie, la créature rend à Dieu tout l’hommage dont elle est capable, en s’anéantissant devant les yeux de sa majesté, et en adorant sa souveraine existence, qui seule existe réellement. Il est vrai qu’il y a une autre partie, après la mort de l’hostie, sans laquelle sa mort est inutile ; c’est l’acceptation que Dieu fait du sacrifice. C’est ce qui est dit dans l’Écriture : Et adoratus est Dominus suavitatem[1] : « Et Dieu a adoré et reçu l’odeur du sacrifice. » C’est véritablement celle-là qui couronne l’oblation ; mais elle est plutôt une action de Dieu vers la créature, que de la créature envers Dieu, et n’empêche pas que la dernière action de la créature ne soit la mort.

Toutes ces choses ont été accomplies en Jésus-Christ. En entrant au monde, il s’est offert : Obtulit semetipsum per Spiritum sanctum[2]. Ingrediens mundum, dixit : Hostiam noluisti. Tunc dixi : Ecce venio. In capite[3], etc. « Il s’est offert par le Saint-Esprit. En entrant au monde, Jésus-Christ a dit : « Seigneur, les sacrifices ne te sont point agréables ; mais tu m’as donné un corps. Lors j’ai dit : « Voici que je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté, et ta loi est dans le milieu de mon cœur. » Voilà son oblation. Sa sanctification a été immédiate de son oblation. Ce sacrifice a duré toute sa vie, et a été accompli par sa mort. « Il a fallu qu’il ait passé par les souffrances, pour entrer en sa gloire[4]. Et, quoiqu’il fût Fils de Dieu, il a fallu qu’il ait appris l’obéissance. Mais au jour de sa chair, ayant crié avec grands cris à celui qui le pouvoit sauver de mort, il a été exaucé pour sa révérence. » Et Dieu l’a ressuscité, et envoyé sa gloire, figurée autrefois par le feu du ciel qui tomboit sur les victimes, pour brûler et consumer son corps, et le faire vivre spirituel de la vie de la gloire. C’est ce que Jésus-Christ a obtenu, et qui a été accompli par sa résurrection.

  1. Gen. viii, 21.
  2. Hebr., ix, 14.
  3. Hebr.., x, 5.
  4. Luc, xxiv, 13