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LA CATASTROPHE

side ? Soit. Monsieur l’abbé, je vous demande pardon, en notre nom à tous. Voulez-vous me suivre ?… »

— « Nous vivants, » dit Bobetière, « nous vous garantissons qu’ils ne vous toucheront point… »

— « Ils n’y pensent pas… » dit Crémieu-Dax. « Leur calme à présent vous prouve qu’ils sont menés, voilà tout. Allons à eux, franchement, bravement, et nous les retournerons. On peut tromper le peuple, mais pas longtemps… »

— « Je vous suis, messieurs, » dit simplement l’abbé Chanut.

Il y avait une grandeur réelle dans l’arrivée, sur cette petite estrade, de ce prêtre chétif, accompagné de ces trois étudiants, en face de ces deux cent cinquante auditeurs peut-être, dont les deux tiers venaient de manifester une si haineuse hostilité par un chant digne des cannibales. Quand ils parurent, leurs partisans éclatèrent en applaudissements, auxquels répondit aussitôt, de l’autre côté, une clameur de protestation. Jean, qui était entré le dernier, n’apercevait, sous la clarté crue du gaz, que des visages convulsés, des bouches qui s’ouvraient pour crier, des yeux que la fureur égarait. Et c’était ce pandemonium qui s’appelait l’Union Tolstoï ! Le châtiment du grand écrivain russe, devenu, par l’égarement de son orgueil, un criminel professeur d’anarchie pour son pays et au dehors, était dans ce simple fait que son nom, rendu illustre par des pages