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étendus, ils arrivèrent au lit des vieilles filles, qu’ils se mirent à fouetter en chantant en chœur : « Tout n’est pas béni ! tout n’est pas béni ! »

Certains animaux passent pour lutins : on les désigne sous le nom d’animaux lutins ou d’animaux sorciers. Dans mon Essai sur les traditions, superstitions et légendes de la Haute-Bretagne, j’ai cité quelques récits où ils figurent, et l’on trouvera ci-après le Mouton sorcier. Madame de Cerny, p. 26-30 de son curieux ouvrage déjà cité, raconte aussi l’histoire du Lièvre à Campion, qui se plaisait à faire courir les gens, et qui joua à Campion le mauvais tour de lui arracher des mains une trique qu’il portait et de faire pleuvoir sur son dos une grêle de coups.


Je n’ai recueilli sur la sorcellerie qu’un petit nombre de contes, tous très-courts ; il y en a trois dans les Contes populaires de la Haute-Bretagne : le Sorcier, n° XLV, qui possédait le livre mystérieux du Petit Albert ; le Loup-garou, n° XLVII, et les Chats sorciers, n° LI. J’en mets un plus loin, qui me semble une réminiscence du sabbat. Mais il est probable qu’il existe des légendes de sorcellerie et de mauvais œil, car on croit encore en beaucoup de pays que certaines gens peuvent fainer (fascinare, le dérivé est régulier), c’est-à-dire ensorceler les maisons, qui ne peuvent être débarrassées que moyennant certains exorcismes.

Dans les Légendes du Morbihan du docteur Fouquet, se trouve, sous le titre du Meunier qui jette des sorts, un curieux récit qui diffère de ceux que j’ai moi-même recueillis. Un meunier qu’un homme avait refusé de prendre dans sa carriole lui annonce que, quand il repassera par là, son cheval ne pourra avancer d’un pas. C’est ce qui arrive en effet ; mais un mendiant qui se trouve sur la route demande à l’homme sa veste et son fouet, puis « fait un signe de croix de la main gauche et à rebours,