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pour pouvoir supporter une action dramatique forte ou terrible. Une tragédie de Shakspeare, exactement traduite, causerait des évanouissements dans la salle ou bien un cri général d’horreur et de réprobation. La tragédie classique d’Alfieri est, comme la nôtre, une suite de récits avec une action énergique, mais qui se passe dans les coulisses, parce que le spectateur n’aurait pas la force de la voir. En Italie, les grandes péripéties appartiennent au ballet, qui les adoucit par la musique, les voile à demi par la pantomime, et les rend agréables à l’œil sous le satin blanc, les toques de velours et les paillettes. Ces précautions une fois prises, le spectateur étant assuré contre l’excès d’émotion, les acteurs peuvent donner librement carrière à l’emphase et à l’exagération. L’artiste italien nage heureux dans le ballet comme le poisson dans l’eau, à cause de la nécessité d’élargir ses mouvements sur l’échelle énorme de la perspective. La cadence de la chorégraphie, au lieu d’être une entrave, ne le met que plus à l’aise.