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LA MORALE DU LÉVIATHAN

tage de cette morale individuelle tenté par Kant, était lui-même battu en brèche ; mais on se contenta de dire que l’époque était immorale ou plutôt amorale et l’on ne s’inquiéta pas de savoir où était passée cette morale, cependant indispensable, qui avait guidé le monde depuis ses origines. Quelques minutes d’attention eussent cependant suffi pour révéler aux hommes de ce temps que cette morale, c’était, si je puis dire, l’Être nouveau, le Léviathan, qui l’avait mangée, qui se l’était appropriée sans plus de façons.

Dans le corps humain, on ne se préoccupait pas de savoir quels étaient les antécédents des cellules qui le composaient. Qu’elles aient pris leur eau, leur phosphore ou leur azote à droite ou à gauche, qu’elles aient été prises toutes formées, à la suite d’une catastrophe, dans un autre organisme, comme dans la greffe animale, peu importait, si, dans le moment présent, elles rendaient les services qu’on en attendait.

Il en était de même pour les hommes-cellules composant le Léviathan. Peu importait, vers 1912, de connaître les antécédents d’un homme, de savoir si sa vie antérieure avait été à l’abri de tout soupçon. Peu importait, plus encore, de connaître sa famille puisqu’on n’en avait que faire et que l’homme seul, dans le moment même, avait