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auront plus fait pour préparer la révolution sociale que nos dignitaires du Comité général n’auront fait pour la discréditer et pour l’enrayer.

— C’est cela que je voulais dire.

— Je te demande pardon. C’est une habitude que j’ai, de corriger toujours tout ce qu’on me dit, et tout ce qu’on dit devant moi, comme si c’étaient des devoirs ou des leçons. Ne m’en veuille pas. C’est une habitude professionnelle. Je n’en ai pas honte. Mon père est incapable de marcher vite, parce qu’il est paysan. Et puis, crois-tu que toi-même tu ne sois pas universitaire ?

— Je le sais bien.

— Crois-tu que tes cahiers ne soient pas universitaires ?

— Je le sais bien.

— Crois-tu qu’il n’y ait pas dans ce que tu écris aux cahiers des insistances maladroites qui sentent leur professeur ?

— Je le sais bien.

— À la bonne heure. — Qu’est devenu notre ancien camarade Hubert Plantagenet, qui passa plus d’un an de sa vie aux dialogues de Platon ?

— Il enseigne la philosophie à Coutances. Il a donné récemment une conférence publique et populaire sur l’alcoolisme. J’attends qu’il me l’envoie. Il a laissé supposer à tous ces Normands, m’a-t-on dit, qu’ils n’étaient pas la première et la seule race du monde. Il a laissé supposer qu’il n’est ni beau, ni bon, ni bien — ni patriotique de se soûler. Ces nouveautés pénétraient dans la mémoire des assistants.

— Julien Desnoyers ?

— Il enseigne les sciences naturelles dans une région