Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cahiers, de la copie qui ne sert pas à la propagande. Accusé, levez-vous.

— Je n’ai pas envie de plaisanter, dit Pierre Baudouin.

— Moi non plus, dit Pierre Deloire. Je lui commande qu’il se défende.

— Il est trop bête. Je le défendrai. Qu’est-ce qu’ils nomment leur propagande ? Croient-ils donc, ces rares génies, que la propagande soit un exercice qui se fasse de cinq à sept. Ils vont à la propagande comme les mauvais catholiques vont à la messe. Les mauvais catholiques vont à la messe le dimanche de dix à douze, avec des âmes apprêtées. Ils savent que c’est la messe. Et du midi de ce dimanche à dix heures de celui de la semaine suivante ils redeviennent ce qu’ils sont. Ainsi nos censeurs font de la propagande. C’est un office. Au contraire les bons catholiques sont catholiques en semaine, et le dimanche ne leur apporte qu’un rafraîchissement de leur foi. Ainsi nous sommes socialistes en semaine et nous ne savons pas quand nous faisons de la propagande. Je ne me suis jamais dit, avant un entretien : Attention ! tu vas faire de la propagande. Mais je vis en socialiste et je parle uniment en socialiste. Je ne traite jamais personne en propagandable ou propagandisable, je ne suis pas propagandeur ou propagandiseur ou propagandisateur. Quand je vois venir à moi mon meilleur ami, je ne me dis point : Comment vais-je faire pour le propagander ? Mais je lui serre la main et je lui dis : Bonjour mon vieux, comment vas-tu ? parce qu’il est mon meilleur ami. El quand je vois un inconnu je lui dis : Bonjour monsieur, et je cherche à savoir comme il est, mais je ne cherche pas à savoir