Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/336

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qui aiment la tradition se reclassent parmi les conservateurs, que ceux qui aiment la foi se classent à côté des chrétiens. Toutes ces anciennes humanités ne me paraissent nullement méprisables. Mais il est misérable que ceux qui en sont encore, au lieu d’y rester, soient venus faire la loi parmi nous. Ces ralliés ne trahissent pas la République, ils ne remettent pas la République aux mains des réactionnaires, ils ne mettent pas le socialisme aux mains des bourgeois, ils ne mettent pas la révolution aux mains des conservateurs, ni la libre-pensée aux mains des cléricaux, mais ils font ou ils essaient que les mêmes républicains soient réactionnaires, que les mêmes socialistes soient bourgeois, que les mêmes révolutionnaires soient conservateurs, que les mêmes libre-penseurs soient les cléricaux de la libre-pensée. Ils ne trahissent pas la République, ils n’ont aucune République.

Leur propagande supposant le montage de coup, nous voyons qu’elle produit le mensonge et l’injustice. Tout cela se tient. L’autoritaire ment, en ce sens que pour asseoir son autorité il faut qu’il donne au propagandisé une image menteuse du monde. Jamais le monde n’a marché aussi mal qu’aujourd’hui. Les massacres d’Arménie et la digestion de la Finlande, les sadismes africains et les sadismes chinois, la condamnation de Rennes et l’alcoolisme français, la guerre de Madagascar et la guerre du Transvaal, tant de guerres et tant d’épouvantes où le socialisme universel n’a rien tenté d’efficace ni d’effectif, sont faits pour donner quelque humilité à la génération que nous sommes, au socialisme que nous sommes. Loin de là : nos chefs s’enrouent à chanter les hymnes et les actions de