Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/351

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— On ramassait combien ?

— Ça dépend, quarante, cinquante sous. Quelquefois moins.

— Alors, quand il y avait réunion, qu’est-ce qu’on faisait ?

— Il y avait mon petit cousin qui parlait. Nivet n’aimait pas beaucoup parler, parce qu’il était fonctionnaire, et qu’il n’avait pas encore appris. Alors c’était presque toujours mon petit cousin.

— Bien ?

— Ça dépend. Non. Il parlait comme tout le monde. Il ne parlait pas comme un orateur. En commençant on trouvait que c’était bien. Parce qu’on n’en avait jamais vu d’autres. On n’en avait pas encore vu. Mais une fois qu’on a eu vu et entendu les grands orateurs de Paris, alors nous avons connu ce qu’était la véritable éloquence. Pensez, monsieur, pensez que le citoyen Alexandre Zévaès lui-même est venu jusqu’à Orléans. Nous n’avons jamais pu avoir Jaurès. On ne sait pas pourquoi. Mais nous avons eu le citoyen Alexandre Zévaès. Il n’est pas aussi capable que Jaurès. Mais c’est un fameux orateur tout de même. Quelle flamme ! Un grand orateur. Il était jeune alors. Mais il parcourait déjà la France pour semer la bonne parole. C’en est un orateur, avec sa tête ronde noire en petite boule. Et son nez au milieu. Vous l’avez vu quand il balance le bras ? Le monde bourgeois ne pèse pas lourd au bout d’un bras comme le sien. Alors nous avons connu que mon petit cousin n’était que de la Saint-Jean, comme on dit dans le pays. Mon petit cousin parlait assis, les deux coudes sur la table, comme un homme ordinaire, et il avait l’air de faire attention à ce qu’il disait. Il cherchait même, des