Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/452

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ment russe est comme un pèlerin se rendant à Jérusalem qui tournant le dos à Jérusalem ferait ainsi trois pas en arrière et deux pas et demi en avant. Sans doute c’est un moyen. Mathématiquement, arithmétiquement, c’est un moyen incontestable d’aller à Jérusalem. C’est aussi un moyen incontestable d’atteindre à une situation sociale nouvelle. Mais ce moyen russe n’est pas un moyen révolutionnaire.

Un révolutionnaire ne fait que des pas en avant ; ou quand il fait un pas en arrière, quand il rétrograde, c’est qu’il ne peut pas faire autrement, c’est qu’il y est contraint par l’adverse réaction ; le Russe, au contraire, c’est quand il y est contraint par la réaction qu’il s’impatiente, qu’enfin il se révolte, et c’est quand il ne peut pas faire autrement, qu’il fait un pas en avant. C’est sur la réaction qu’il prend son point d’appui, — pour lui résister, naturellement, — mais tout de même c’est de la réaction qu’il part et c’est de la réaction qu’il rejaillit. Toute marche de lui, tout mouvement en avant n’est qu’une réponse donnée à une attaque, à une excitation, à un excès vraiment insupportable de la réaction qui est en face, un contre mouvement suscité par une excessive attaque de l’adverse réaction, un contre mouvement en arrière, un mouvement en arrière littéralement retourné. Ainsi c’est de la réaction opposée que vient l’initiative, le point de départ, le mouvement originel, et non point de la révolution posée. En un mot, dans un mouvement révolutionnaire, c’est le mouvement révolutionnaire qui demande, qui appelle, qui fait toute l’action, qui ne prend que dans sa force toute sa force, et c’est la réaction qui fait la réaction. Du mouvement révolutionnaire vient l’appel d’air. Dans le mouvement