Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/48

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Singulière illusion des pauvres gens, mais dont une cause au moins est évidente. Quand il s’agit d’organiser des cérémonies cultuelles, ou des cérémonies culinaires, enterrements, banquets, ou de bâtir des monuments, nous lisons dans nos journaux que des milliers de francs par jour tombent ; les pauvres gens en concluent qu’à plus forte raison ils pourront trouver de quoi vivre en travaillant ; ils ne peuvent imaginer que l’argent aille aux représentations, et qu’il manque à l’organisation du travail.

C’est pourtant ce qu’il faut se représenter ; le vice bourgeois, d’entretenir le luxe avec ce qui est dû au travail, n’a peut-être jamais sévi avec autant de férocité dans le monde bourgeois que dans un certain monde prétendu socialiste. S’agit-il de commémorations, de fêtes et banquets, de meetings, d’élections, de manifestations politiques, de voyages, de monuments morts, d’exhibitions, de listes publiées, de romantisme et de théâtre, l’argent tombe aux mains des innombrables Puech et des innombrables Barrias. Et non seulement l’argent des nombreux bourgeois égarés dans le mouvement prétendu socialiste et demeurés snobs, mais, hélas, l’argent des véritables petites gens. Car les petites gens n’ont rien de plus pressé que d’imiter les grands de leur monde. Qu’il s’agisse au contraire d’œuvres vivantes et d’hommes vivants, et que l’on demande un dévouement anonyme, je manquerais aux nombreux et solides amis qui travaillent pour nous et qui travaillent pour plusieurs institutions vraiment socialistes si je disais que l’on ne trouve personne et que l’on ne trouve rien ; mais tous ceux qui ont essayé de préparer ou d’organiser du véritable travail savent,