Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/59

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chrétienne ; il est privé de la présence de Dieu ; il subit l’absence de Dieu ; les différentes et innombrables et lamentables peines où se sont excitées les imaginations sont dominées par cette peine d’Absence, qui est la peine capitale, incomparable ; d’ailleurs l’enfer est essentiellement modifié comme éternel, c’est-à-dire comme infini dans le temps, ou comme infini dans ce qui serait le temps et qui exclut le temps ; à cet égard l’enfer se connaît à ce qu’il n’admet aucune espérance ; l’horizon du damné est barré d’une barre infinie ; l’enfer est cerclé ; aucun espoir absolument ne filtre, aucune lueur.

Au contraire le paradis est essentiellement qualifié comme le maintien de la communication divine ; l’élu est élu par Dieu pour demeurer dans la communion chrétienne ; il reçoit la présence de Dieu ; les nombreuses béatitudes où les imaginations ont assez vainement tâché de s’exercer sont dominées par cette récompense de Présence, qui est la béatitude capitale, incomparable ; d’ailleurs le paradis est essentiellement modifié comme éternel ; donc il ne supporte aucun risque ; l’horizon de l’élu est ouvert d’une ouverture infinie ; aucun désespoir absolument, aucune hésitation ne filtre.

Cela étant, le purgatoire a beau ressembler à l’enfer en ce qu’il est un lieu de peine et d’expiation, en ce qu’il comporte la même Absence ; il a beau avoir la même qualité ; il suffit que le mode n’en soit pas éternel, et que l’espérance non seulement passe mais soit assurée pour que tout soit autre ; au jugement dernier quand Jésus viendra dans sa gloire il viendra aussi pour délivrer, pour chercher les dernières âmes du