Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Deuxièmement il avait certainement une sympathie secrète, une entente intérieure avec les autres puissances spirituelles. Sa haine de l’État, du temporel se retrouvait là tout entière. On ne peut pas poursuivre, disait-il, par des lois, des gens qui s’assemblent pour faire leur prière. Quand même ils s’assembleraient cinq cent mille. Si on trouve qu’ils sont dangereux, qu’ils ont trop d’argent, qu’on les poursuive, qu’on les atteigne par des mesures générales, comme tout le monde, (ce même mot, cette même expression, comme tout le monde, dont il se servait toujours, dont il se servait précisément pour Dreyfus), par des lois, économiques générales, qui poursuivent, qui atteignent tous ceux qui sont aussi dangereux qu’eux, qui ont de l’argent comme eux. Il n’aimait pas que les partis politiques, que l’État, que les Chambres, que le gouvernement lui enlevât la gloire du combat qu’il voulait soutenir, lui déshonorât d’avance son combat.

D’une manière générale il n’aimait pas, il ne pouvait pas supporter que le temporel se mêlât du spirituel. Tous ces appareils temporels, tous ces organes, tous ces appareils de levage lui paraissaient infiniment trop grossiers pour avoir le droit de mettre leur patte grossière non seulement dans les droits mais même dans les intérêts spirituels. Que des organes aussi grossiers que le gouvernement, la Chambre, l’État, le Sénat, aussi étrangers à tout ce qui est spirituel, missent les doigts de la main dans le spirituel c’était pour lui non pas seulement une profanation grossière, mais plus encore, un exercice de mauvais goût, un abus, l’exercice, l’abus d’une singulière incompétence. Il se sentait au contraire une secrète,