Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/494

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nous sentîmes enveloppés des innombrables cheminements de cette conspiration sourde. Jamais je n’ai eu autant de plaisir à me sentir les mains liées. Dans ce Paris pourtant désert, (c’était au commencement des vacances et tout le monde était parti ou partait), de mille liens souples et fragiles, imbrisables, nous nous sentîmes saisi. De mon côté Pesloüan était prêt, comme une immense réserve. J’ai vu l’heure que Pierre Marcel revenait comme un télégramme de la Vallée Saint-Briac. J’ai vu l’heure que l’on allait mobiliser Taco. Dans un besoin ils mobilisaient Marianne. C’est bon signe pour la République, Halévy, quand les conseils du Prince sont aussi résolus à lui lier les bras. Il faut qu’il soit bien entendu, officiellement, et rédigé en forme de protocole que je n’ai voulu dans mon cahier ni attenter à votre courage, personnel, ni vous offenser, ni à plus forte raison vous outrager, ni porter atteinte à l’idée que nous avons de votre courage, ni comparer, ni juger votre courage. Quand je veux outrager, je m’y prends d’une autre encre. Quand je veux offenser, je sais m’y prendre. Je n’ai jamais voulu ni vous outrager, ni vous offenser même, et ne l’ayant pas voulu il faut admettre que je ne l’ai pas fait, car autrement je serais un mauvais écrivain, et cela m’étonnerait beaucoup. Je serais (alors) un écrivain impropre. Je sais que je puis être, et souvent que je veux être un écrivain qui déplaît. Je sais que je ne suis point un écrivain impropre. Il ne m’est jamais venu à la pensée, (et par suite j’ai l’assurance qu’il ne peut pas m’être venu à la plume, qu’il ne peut pas être venu sur ma page), ni de juger votre courage, ni de comparer votre courage au mien.