Page:Peguy oeuvres completes 06.djvu/51

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Et la pointe du vaisseau ce sont les deux mains jointes de mon fils.
Et devant le regard de ma colère et devant le regard de ma justice
Ils se sont tous dérobés derrière lui.

Et tout cet immense cortège des prières, tout ce sillage immense s’élargit jusqu’à disparaître et se perdre.

Mais il commence par une pointe et c’est cette pointe qui est tournée vers moi.

Qui s’avance vers moi.

Et cette pointe ce sont ces trois ou quatre mots : Notre Père qui êtes aux cieux ; mon fils en vérité savait ce qu’il faisait.

Et toute prière monte vers moi dérobée derrière ces trois ou quatre mots.

Et il y a une pointe de la pointe. C’est cette prière même non plus seulement dans son texte.

Mais dans son invention même. Cette première fois que réellement dans le temps elle fut prononcée.

Cette première fois que mon fils la prononça.

Non plus seulement dans son texte comme elle est devenue un texte.

Mais dans son invention même et dans son sourcement et dans son forcement.

Quand elle-même fut une naissance de prière, une incarnation et une naissance de prière. Une espérance.

Une naissance d’espérance.
Une parole naissante.

Un rameau et un germe et un bourgeon et une feuille et une fleur et un fruit de parole.

Une semence, un naissement de prière.
Un verbe entre les verbes.