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LE MYSTÈRE

Cette lèpre dont ils parlaient et d’être lépreux

Ce n’était pas une lèpre d’imagination et une lèpre d’in- vention et une lèpi-e d’exercice.

Ce n’était pas une lèpre qu’ils avaient vue dans les livres ou dont ils avaient entendu parler

Plus ou moins vaguement

Ce n’était pas une lèpre pour en parler ni une lèpre pour faire peur en conversation el en figures,

Mais c’était la réelle lèpre et ils parlaient de l’avoir, eux-mêmes, réellement,

Qu’ils connaissaient bien, qu’ils avaient vue vingt fois

En France et en Terre-Sainte,

Cette dégoûtante maladie fai^ineuse, cette sale gale, cette mauvaise teigne,

Cette répugnante maladie de croûtes qui fait d’un homme

L’horreur et la honte de l’homme.

Cet ulcère, cette pourriture sèche, enfln cette définitive lèpre

Qui ronge la peau et la face et le bras et la main,

Et la cuisse et la jambe et le pied

Et le ventre et la peau et les os et les nerfs et les veines.

Cette sèche moisissure blanche qui gagne de proche en proche

Et qui mord comme avec des dents de souris.

Et qui fait d’un homme le rebut et la fuite de l’homme,

Et qui détruit un corps comme une granuleuse moisis- sure

Et qui pousse sur le corps ces affreuses blanches lèvres,

Ces affreuses lèvres sèches de plaies

Et qui avance toujours et jamais ne recule

El qui gagne toujours et qui jamais ne perd

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