Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/115

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Vous en doutez ? mais Galilée tourne vers le ciel la lentille du télescope, et il fait sauter du coup la voûte du firmament, et il plonge dans l’infini un long regard qui va surprendre l’étoile frissonnante dans sa nudité, jusque derrière le voile d’argent de la voie lactée. Or, qu’est-ce donc que le télescope ? sinon un sens nouveau qui recule la vision de l’œil, auparavant circonscrite dans un étroit horizon, jusqu’au fond de l’immensité, cette urne au flanc éternellement en fuite, comme disait la théogonie indoue.

La science veut-elle au contraire explorer le monde infiniment petit, elle change d’œil en quelque sorte, elle prend le microscope, et elle suit pas à pas sur une gouttelette d’eau croupie les évolutions et les rivalités acharnées de ces monstres informes qui se lancent dans la vie une minute, et se disputent entre eux, avec un héroïsme militaire digne de l’Iliade, la possession d’une molécule. Si ce n’est pas là encore un organe nouveau de la vue, que l’homme a gagné au numéro toujours heureux du progrès, donnez-nous alors une nouvelle définition de l’organe, une nouvelle définition du regard. Je ne voyais pas, et je vois, donc j’ai acquis une faculté, donc j’ai fait un progrès.

Je vais plus loin, et je dis que les sens qui conduisent le monde extérieur à l’intelligence, qui touchent par conséquent à l’intelligence, seule puissance progressive dans l’humanité, participent en un certain degré à la nature de l’intelligence et incidemment à la puissance