Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/19

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bien loin, dans quelque tourelle au fond de l’Auvergne ou du Quercy, sous la protection du pont-levis et de la poterne illustrée de pattes de loup et de têtes de sanglier, et le soir dans une grande salle fermée, voûtée, sombre, silencieuse, tapissée de grandes tapisseries flottantes, au bruit des rafales engouffrées dans la cheminée, et au battement d’ailes, des chauves-souris, avoir récité son chapelet ou devisé de Gabrielle d’Estrées, en compagnie des vieilles fées, des vieilles douairières qui filent encore leur quenouille, et dorment à moitié pendant que le fuseau, par une sorte de mouvement mécanique, échappe de leur doigt et tombe en cadence sur le parquet.

Mais vous, depuis votre transfiguration, vous avez toujours vécu en plein siècle, en plein soleil, avec les jeunes, avec les forts, avec les ouvriers de la première heure, les éclaireurs de la civilisation. Du jour où vous avez pensé par vous-même, votre âme n’a été qu’un hymne au progrès, votre vie qu’un acte de progrès. Nier, le progrès, c’est vous nier vous-même. Je vous rappelle à votre gloire. Avez-vous peur d’être trop grand ? Mais tournez donc la tête, et voyez derrière vous toutes vos actions, toutes vos œuvres, filles sublimes de votre génie, laisser tomber leur front dans leur main et gémir en silence.