Page:Pelletier - Le Droit a l avortement.pdf/21

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ration, mit sa fille à la porte, en pleine nuit, et la malheureuse dut aller à pied, en cheveux et sans argent, du quartier de l’Étoile au quartier Latin, où je demeurais, pour me demander l’hospitalité. Par malheur, je n’étais pas chez moi ; elle s’en fut donc à La Chapelle, chez une autre amie, qu’elle trouva, celle-là, enfin, après avoir marché toute la nuit. Au bout de quelques jours, la mère envoya de l’argent à sa fille, mais elle joignit à son envoi un flacon de laudanum, en lui conseillant de le boire, pour échapper au « déshonneur ».

Ces drames de la grossesse sont, par leur fréquence, la banalité même. Telle, pour ne pas être déshonorée, se suicide, telle autre tue son enfant, telle autre, jeune ouvrière, jeune bonne, fille de ferme, chassée par le patron, tombe dans la prostitution. Grâce à l’avortement, ces dénouements terribles diminuent de fréquence ; il n’y en aura plus lorsque la loi, cessant de faire de l’avortement un crime, reconnaîtra à la femme le droit de n’être mère qu’à son gré.