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LE BEAU DANS LA NATURE

feu est à l’état latent dans un briquet d’acier. Il faut un acte intelligent de l’homme pour faire jaillir l’étincelle du briquet et pour saisir le beau dans la nature. Voilà pourquoi il arrive parfois qu’un objet qui a passé indifférent sous les yeux de milliers d’individus prend tout à coup, pour une imagination vive et sensible, un éclat imprévu de charme et de beauté. En effet, c’est notre âme qui prête aux choses, aux lieux et aux êtres, une pensée et un sentiment. Rien n’est muet dans la nature, mais à la condition que nous ne soyons pas sourds. Dieu nous a donné l’instrument; c’est à nous de l’employer, c’est à nous de cultiver cette faculté du beau par la réflexion, la comparaison et l’étude intelligente des beautés de la nature et de l’art.

D’abord les couleurs, puis les sons et les formes; ensuite les mouvements, qui attestent la vie dans la plante, l’instinct et la sensibilité dans l’animal; enfin la physionomie et la parole, qui révèlent la raison dans l’homme, tels sont les objets qui, suivant une progression rigoureuse, provoquent dans notre intelligence et y développent le sentiment et l’idée du beau dans la nature.

Le jugement est une faculté si féconde et si délicate , que même dans les perceptions des deux sens les moins esthétiques, c’est-à-dire l’odorat et le goût, il est encore possible de distinguer des nuances relatives au beau; par exemple, le parfum de la violette est plus esthétique que l’odeur du musc, et le bouquet du vin de Pomard est plus distingué que l’acidité sucrée du vin de Champagne; enfin la saveur de la truffe est plus délicate que le goût de l’ail.

En somme, la notion et le plaisir du beau sont des applications de la raison, ce sont des privilèges de l’homme; et les animaux, qui ont comme nous la perception des objets