Page:Pellissier-Art-ancien.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
INTRODUCTION — DU BEAU ET DE L'ART

un type achevé de l’art. En effet, les lois de la musique résument et font comprendre les lois de tous les autres arts. Par l’allégorie d’Orphée, les anciens proclamaient la musique « mère de tous les arts, âme de la société humaine, reine et souveraine de la nature entière ». Comment s’est produit cet art merveilleux ?

Le chant est naturel à l’homme, qui l’associe à toutes ses émotions et qui aime à y chercher soit une consolation, soit un plaisir. Bien que Mahomet leur ait interdit la musique, les Turcs eux-mêmes ont vingt-quatre chants traditionnels ainsi classés : six mélancoliques, six gais, six furieux et six emmiellés ; ces quatre désignations sont d’une naïveté et d’une justesse charmantes.

Dans la nature, les bruits qui se trouvent répandus dans l’air, par l’action vivifiante du soleil ou par l’effet de l’humidité, forment comme un fond vague, comme une pédale sourde, un accompagnement continu, sur lequel se détachent les notes aiguës du vent qui siffle, des feuilles qui s’agitent, des flots qui viennent se briser sur le sable ou sur les rochers du rivage.

Tels sont les premiers sons naturels qui, frappant l'oreille, produisent une émotion que l’homme trouve du plaisir à reproduire.

Ainsi naît la musique, l’art de charmer l’oreille et l’esprit par des sons. Elle a pour principaux moyens d’action la mélodie, le rythme et l’harmonie. C’est le plus populaire de tous les arts, et on ne rencontre pas d’oreille tout à fait insensible à la séduction du rythme et de la mélodie. Son privilège est de soustraire le sens de l’ouïe aux impressions banales du dehors, pour y substituer une suite cadencée des sons dont la mélodie plaît à la sensibilité et dont le rythme satisfait notre goût naturel pour l’ordre et la régularité.