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LIVRE V, § VI.

et qui ne cherche plus rien au-delà, après avoir produit le fruit qui lui est naturel. Le cheval qui a couru, le chien qui a chassé, l’abeille qui a distillé son miel, l’homme qui a fait le bien[1], ne va pas le crier ; mais il passe à une autre bonne œuvre, de même que la vigne portera de nouveaux raisins quand la saison sera venue. — « Eh quoi ! faut-il donc se ranger au nombre de ces êtres qui agissent sans même savoir ce qu’ils font ? — Oui certainement. — Mais pourtant il faut bien réfléchir un peu à ce que l’on fait, et c’est, dit-on, le propre de l’être qui vit en société, de comprendre qu’il agit pour le bien commun et de désirer tout au moins, par Jupiter, que son compagnon qu’il oblige le comprenne aussi. » — Sans doute ; ta réponse est juste ; mais dans ce cas-ci tu ne saisis pas bien le sens de mon conseil. C’est précisément en le suivant que tu te classeras parmi les êtres dont je parlais tout à l’heure ; car eux aussi sont bien guidés par une conviction raisonnable, à laquelle ils se laissent aller. Et toi, si tu veux

    analogue à celles qui ont été déjà employées plus haut. Voir liv. IV, §§ 44 et 48.

  1. L’homme qui a fait le bien. L’homme a un mérite particulier à faire le bien, puisqu’il peut aussi faire le mal ; ce que les animaux et les plantes ne peuvent pas.