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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

les auteurs réels, ou que tu soupçonnes d’être les auteurs, de tes mécomptes ou de ta souffrance. Dans tout cela, nous ne sommes si souvent injustes qu’à cause de l’importance que nous y attachons. Si les choses qui ne dépendent que de nous étaient les seules qui nous parussent bonnes ou mauvaises, il ne nous resterait plus le moindre prétexte, ni d’accuser Dieu[1], ni de faire à l’homme la guerre acharnée d’un ennemi.

XLII

Nous concourons tous[2] à l’accomplissement d’une seule et même œuvre, les uns avec pleine

    ques de cette maxime aussi simple que profonde.

  1. Ni d’accuser Dieu. Le singulier est dans le texte, tandis qu’un peu plus haut c’est le pluriel qui a été employé. Dans la langue de Marc-Aurèle, les deux expressions ont la même valeur. — Bossuet a dit : « Si nous désirions les vrais biens comme il faut, il n’y aurait point d’inimitiés dans le monde. Ce qui fait les inimitiés, c’est le partage des biens que nous poursuivons. Il semble que nos rivaux nous ôtent ce qu’ils prennent pour eux. Or les biens éternels se communiquent sans se partager. Ils ne souffrent ni ennemis ni envieux, à cause qu’ils sont capables de satisfaire tous ceux qui ont le courage de les espérer. C’est là le vrai remède contre les inimitiés et la haine. » Sermon sur la Réconciliation.
  2. Nous concourons tous. La pensée est profondément vraie, et personne ne l’a plus vivement rendue. L’homme n’est pas isolé dans le monde ; et à moins de soutenir que l’ensemble des