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LIVRE VI, § XLVIII.

XLVIII

Quand tu veux te ménager quelque joie[1], tu n’as qu’à songer aux qualités éminentes de ceux qui vivent avec toi, à l’activité de l’un, à la modestie de l’autre ; à la générosité d’un troisième, et à tant d’autres perfections que plusieurs possèdent. Il n’est pas de plus grand plaisir[2] que de contempler ces images de la vertu, brillant dans le caractère ou la conduite de nos amis, multipliées et se répétant aussi souvent qu’il le faut. C’est ainsi qu’on peut les avoir présentes à l’esprit toutes les fois qu’on le veut.

  1. Quand tu veux te ménager quelque joie. C’est la joie que le cœur affectueux et reconnaissant de Marc-Aurèle s’est ménagée dans le premier livre de ses Pensées, en rappelant tous les exemples fructueux que lui avaient donnés ses parents et ses maîtres, par leurs qualités éminentes et diverses.
  2. Il n’est pas de plus grand plaisir. On pourrait ajouter : « Ni de plus réelle utilité. » Sénèque a dit : « Pourquoi ne garderions-nous pas les portraits de ces grands hommes, et n’honorerions-nous pas le jour de leur naissance, afin de nous exciter à la vertu ? Ne les nommons jamais sans quelque éloge ; car le respect que nous devons à nos précepteurs, nous le devons aussi à ces précepteurs du genre humain, qui nous ont découvert les sources de tant de choses utiles. » Épître LXIV, à Lucilius.