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LIVRE VII, § II.

II

Comment pourrais-tu faire mourir en toi les jugements que tu formes, autrement qu’en éteignant les perceptions sensibles qui y correspondent, et qu’il ne tient absolument qu’à toi de raviver[1] ? Je puis toujours m’en faire l’idée qu’il faut en avoir ; et, du moment que je le puis, pourquoi m’en troubler ? Les choses du dehors, puisqu’elles ne résident pas dans mon esprit, ne peuvent absolument quoi que ce soit[2] sur mon esprit lui-même. Sois donc dans cette disposition ; et te voilà dans le vrai. Tu peux alors te faire une vie nouvelle[3]. Examine encore une fois les choses comme tu les as vues naguère ; car c’est là précisément se faire une nouvelle vie.

  1. Qu’il ne tient absolument qu’à toi de raviver. Il semble plus naturel de prendre la négation, et c’est ce qu’ont fait quelques traducteurs, quoique les manuscrits n’autorisent pas cette correction. Elle n’est pas indispensable ; et du moment qu’on peut raviver des sensations, il est sous-entendu par là-même qu’on peut aussi ne les raviver point.
  2. Ne peuvent absolument rien. C’est trop dire, quelque forte et quelque exercée que l’âme puisse être. Voir plus haut, liv. V, § 2, et liv. VI, § 52.
  3. Se faire une nouvelle vie. En substituant l’action de la volonté raisonnable et réfléchie à la pensée instinctive, qui a suivi immédiatement l’impression sensible.