Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

nable et dévouée à l’intérêt commun. Tu peux aussi, dans les épreuves les plus pénibles, tirer presque toujours profit de la sentence même d’Épicure[1], en te disant que « cette douleur n’est point intolérable ; et surtout qu’elle n’est point éternelle ; tu n’as qu’à te souvenir qu’elle a des bornes où elle est renfermée, et que tu peux ne point l’accroître par l’opinion que tu t’en fais[2]. » Souviens-toi encore, dans l’occasion, qu’il y a bien des choses, fort semblables à la douleur, qui te font souffrir sans que tu t’en aperçoives : ainsi, l’envie de dormir[3], la chaleur qui te suffoque, le dégoût par faute d’appétit. Quand donc tu t’inquiètes d’un de ces désagréments, dis-toi bien que c’est à la douleur que tu cèdes.

  1. De la sentence même d’Épicure. Il est assez remarquable que le Stoïcisme puisse invoquer l’autorité d’Épicure. C’est qu’en effet la maxime que cite Marc-Aurèle est très-sage, et d’un grand secours pour développer en nous la vertu de la patience, tant recommandée par l’école Stoïcienne.
  2. Ne point l’accroître par l’opinion que tu t’en fais. C’est une observation que chacun de nous peut faire bien souvent dans la vie. Les maux qui, à distance et sous le prisme de l’imagination, nous paraissaient insupportables, s’adoucissent beaucoup quand ils sont présents, et nous nous trouvons des forces que nous ne nous croyions pas pour les supporter. C’est que l’imagination n’agit presque plus, en face et sous le coup de la réalité.
  3. Ainsi l’envie de dormir. Toute cette fin du paragraphe est obscure, et la pensée n’est pas assez nette.