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LIVRE VIII, § IV.

Ces philosophes ont scruté les choses ; ils ont approfondi les éléments qui les composent ; et les principes qui dirigeaient ces grandes âmes ne variaient point[1]. Mais les autres, à quoi ont-ils songé ? De quoi ne se sont-ils pas faits les esclaves ?

IV

Les hommes n’en continueront pas moins à faire les mêmes choses que tu leur vois faire, dusses-tu en crever de fureur[2].

    que Marc-Aurèle mette ces philosophes sur la même ligne. Socrate est de beaucoup le plus grand ; et sa doctrine, de beaucoup la plus féconde.

  1. Ne variaient point. On pourrait comprendre aussi : « Étaient absolument les mêmes. » J’ai préféré le premier sens à cause de la fin de ce paragraphe. Il semble que Marc-Aurèle veut surtout opposer la fixité des principes philosophiques à la mobilité nécessaire et déplorable des hommes d’État, surtout préoccupés des intérêts de leur ambition et prêts à tout pour la satisfaire. « Omnia serviliter pro dominatione. »
  2. Dusses-tu en crever de fureur. L’expression grecque est aussi forte que celle de ma traduction. La pensée d’ailleurs est juste ; et l’indignation qu’on peut ressentir et exprimer contre le vice ne le corrige guère. Mais il est à la fois très-naturel d’éprouver ce sentiment en présence du mal, et d’essayer de l’arrêter en le reprochant à ceux qui le font, surtout quand ils sont nos amis et nos proches. En poussant cette idée un peu loin, on s’abstiendrait aussi de faire des lois contre le crime, sous le prétexte que les châtiments ne le suppriment pas en supprimant quelques criminels.