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LIVRE VIII, § XVIII.

t’en prendre ? Est-ce aux atomes ou aux Dieux[1] ? De part et d’autre, ce serait une égale erreur. N’accuse donc personne. Si tu le peux, corrige celui qui a commis la faute ; si tu ne le peux pas, corrige du moins la chose ; et si tu ne peux pas même cela, à quoi te servirait-il de te fâcher ? C’est qu’en effet il ne faut jamais rien faire en pure perte.

XVIII

Ce qui meurt dans le monde n’en sort pas pour cela[2]. Il y demeure, et il y subit certains changements, se dissolvant dans ses éléments propres, qui sont ceux de l’univers et les tiens. Ces éléments eux-mêmes changent encore, et ils ne s’en plaignent pas[3].

  1. Aux atomes ou aux Dieux. C’est-à-dire à la matière ou à l’intelligence, à la force aveugle qui mène la nature, ou à la Providence divine ? Dans un cas, sa plainte est puérile ; et dans l’autre, elle est sacrilége. Voir plus haut, liv. IV, § 3, la même opposition entre les atomes et Dieu.
  2. N’en sort pas pour cela. La chose est évidente de soi : car rien ne peut être anéanti, quoique tout se transforme.
  3. Et ils ne s’en plaignent pas. Tandis que l’homme se plaint presque toujours, tant qu’il ne s’est pas rendu compte de sa nature et de sa destinée.