dans les perceptions qu’on reçoit, ne pas se tromper[1] ; ne pas se concentrer en soi-même tout d’une pièce, et n’en pas sortir trop inopinément ; ne point être affairé dans la vie. Les hommes se tuent, se massacrent, s’accablent d’exécrations. Mais qu’est-ce que tout cela fait pour le devoir qu’a ton âme de rester pure, intelligente, sage et juste ? Autant vaudrait, en passant près d’une eau limpide et savoureuse, l’accabler d’outrages. Mais l’eau ne cesserait pas de s’épancher, toujours excellente à boire. On aurait beau y jeter de la boue et du fumier, elle aurait bientôt dissous ces ordures ; bientôt elle les aurait rejetées, sans en avoir contracté la moindre souillure. À quel prix peux-tu donc te faire en toi-même une source qui ne tarisse jamais[2], comme tarit un puits intermittent[3] ? Le seul moyen, c’est de te rendre à tout instant de plus en plus libre, sans jamais te départir de la bienveillance, de la simplicité et de la modestie indispensables.
- ↑ Ne pas se tromper. Par le moyen indiqué plus haut, § 49.
- ↑ Une source qui ne tarisse jamais. Image aussi belle que juste.
- ↑ Un puits intermittent. J’ai ajouté ce dernier mot pour rendre la pensée plus claire. Il y a des éditeurs qui ont cru que ce dernier membre de phrase est une interpolation.
quatre maximes pratiques de Descartes, et la seconde de sa « morale par provision ». Discours de la Méthode, pp. 146 et 148, édit. de V. Cousin.