Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
307
LIVRE VIII, § LVIII.

trant un obstacle solide, qui en prive l’air placé au-delà[1]. C’est sur cet obstacle que la lumière s’arrête, sans glisser en bas et sans tomber[2]. C’est justement ainsi que ton intelligence doit s’écouler et se répandre en tous sens. C’est une diffusion ; ce n’est pas un épuisement, et, quand elle rencontre des obstacles, elle ne doit montrer ni colère ni emportement[3] dans la résistance qu’elle leur oppose ; elle ne tombe pas ; elle reste debout, et elle éclaire de sa lumière tout ce qui la reçoit. Ce qui ne peut pas la réfléchir se prive soi-même de son splendide éclat.

LVIII

Quand on craint la mort, cela revient à craindre, ou de ne plus rien sentir[4] du tout, ou de sentir autrement que dans cette vie. Mais, si tu ne sens plus quoi que ce soit, tu ne peux par conséquent ressentir aucun mal ; et, si tu as une sensibilité

    « Elle se rompt », ou « Elle s’arrête ».

  1. Qui en prive l’air placé au-delà. Le rayon s’arrête, par exemple, sur le panneau d’une porte, dont l’autre côté n’est pas éclairé.
  2. Sans glisser en bas et sans tomber. C’est un fait ; et l’observation est ingénieuse. C’est que la lumière n’est pas pesante.
  3. Ni colère ni emportement. C’est une leçon de douceur intellectuelle, et aussi d’humilité.
  4. Ne plus rien sentir. Voir le Phédon de Platon, pp. 207