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LIVRE I, § XVII.

XVII

Je dois aux Dieux d’avoir eu de bons aïeuls, de bons parents, une bonne sœur[1], de bons maîtres, des serviteurs, des proches, des amis, qui tous étaient bons également presque sans exception.

À l’égard d’aucun d’eux, je ne me suis jamais laissé aller à quelque inconvenance, bien que par disposition naturelle je fusse assez porté à commettre des fautes de ce genre ; mais la clémence des Dieux a voulu qu’il ne se rencontrât jamais un tel concours de circonstances qui pût révéler en moi ce mauvais penchant. Grâce à eux encore, j’ai pu ne pas rester trop longtemps chez la concubine de mon grand-père ; j’ai pu sauver la fleur de ma jeunesse, sans me faire homme avant le moment[2] ; j’ai pu même sous ce rapport gagner un peu de temps ; vivre sous la main d’un prince et d’un père qui devait déraciner en moi tout orgueil, et m’amener à être convaincu qu’on peut, tout en vivant dans une cour, n’avoir nul besoin ni de gardes, ni de costumes

  1. Une bonne sœur. Annia Cornificia, comme nous l’apprend Capitolin, ch. I.
  2. Sans me faire homme avant le moment. Cette observation est aussi délicate que profonde.