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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

sa maîtresse. En un mot, l’homme simple et bon doit toujours être à peu près comme celui qui a de l’odeur ; on le sent en s’approchant de lui, qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas. L’affectation de la franchise est une dague cachée, et rien n’est plus laid qu’une amitié de loup[1] ; fuis-la plus que tout au monde. L’homme bon, simple, bienveillant, porte ces qualités dans ses regards, et personne ne s’y trompe.

XVI

L’âme trouve en elle-même le pouvoir de mener la plus noble existence, pourvu qu’elle sache rester indifférente à tout ce qui est indifférent[2]. Elle s’assurera cette sage impassibilité, en considérant chacun des objets qui la peuvent émouvoir, d’abord isolément, puis dans leur relation avec le tout. Elle se rappellera toujours qu’il n’est pas un seul de ces objets qui puisse nous imposer[3]

  1. Une amitié de loup. Le mot était devenu proverbial en Grèce ; ce n’est pas Marc-Aurèle qui l’invente. C’est pour ces amitiés-là que Marc-Aurèle devait garder toute la rigueur qu’il montre dans les premières lignes de ce paragraphe.
  2. À tout ce qui est indifférent. C’est-à-dire, à toutes les choses qui ne sont par elles-mêmes, ni bonnes, ni mauvaises, et surtout à toutes les choses du dehors.
  3. Qui puisse nous im-