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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

Rends-toi compte surtout des nécessités que leur imposent certaines idées[1], et vois avec quel orgueil ils font tout cela.

Troisièmement. Dis-toi toujours que, si les hommes se conduisent bien, il n’y a point apparemment à leur en vouloir, et que, s’ils se conduisent mal, il est clair qu’ils le font sans intention et par pure ignorance[2] ; car, de même qu’il n’est pas une âme qui se prive de la vérité autrement que contre son propre gré, de même il n’en est pas non plus qui se prive volontairement de traiter chacun selon son mérite. C’est là ce qui fait que les gens se révoltent quand on les traite d’injustes, d’ingrats, d’avares, en un mot, quand on leur reproche quelque méfait à l’égard de leur prochain.

Quatrièmement[3]. Il faut bien t’avouer aussi que tu n’as pas laissé de commettre personnellement

    plus haut, liv. III, § 16.

  1. Des nécessités qui leur imposent certaines idées. C’est un sentiment de charité très-sage. Voir plus haut, liv. VIII, § 19. En se mettant au point de vue des autres, on les comprend mieux et l’on a plus de tolérance.
  2. Troisièmement… Sans intention et par pure ignorance. C’est une doctrine essentiellement platonicienne ; le Stoïcisme l’avait suivie, bien qu’elle ne soit pas très-juste et qu’on ne puisse l’adopter qu’avec beaucoup de réserve. À ce compte, l’homme ne serait jamais coupable. Voir plus haut, liv. VII, § 63.
  3. Quatrièmement. Cette franchise à s’avouer ses propres fautes