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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

d’insulte ; agis avec une affection véritable[1] et sans la moindre rancune, sans prendre le ton d’un pédagogue à l’école, et sans chercher à briller aux yeux des assistants ; mais ne parle qu’à lui seul, lors même que d’autres personnes seraient présentes à l’explication.

N’oublie jamais ces neuf points essentiels ; regarde-les comme autant de présents des Muses[2]. Commence enfin à être homme[3], et reste-le jusqu’à la fin de tes jours. Mais si tu te gardes de t’emporter contre tes semblables, aie un soin égal de ne pas les flatter. Ces défauts sont tous les deux contraires au bien de la communauté, et aussi nuisibles l’un que l’autre. Quand on va se mettre en colère, il faut se dire que l’emportement n’est pas digne d’un homme, et que la douceur et la bonté, de même qu’elles sont plus humaines, sont en même temps plus viriles[4] ; que

    ture. Prise ici pour la raison.

  1. Agis avec une affection véritable. C’est une conséquence de la doctrine stoïcienne, qui considère tous les hommes comme les membres d’une seule famille ; mais pour en arriver à cette suprême bienveillance, Caritas generis humani, comme dit Cicéron, il faut vaincre en soi bien des passions, bien des habitudes, bien des préjugés, bien des erreurs. Le résultat, du reste, en vaut la peine.
  2. Comme autant de présents des Muses. Qui sont aussi au nombre de neuf. La comparaison est gracieuse.
  3. À être homme. C’est donner à la douceur une haute importance que d’en faire la vertu caractéristique de l’homme.
  4. En même temps plus viriles. Idée pro-