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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

trie ; tu ne t’étonneras plus désormais de tout ce qui arrive chaque jour, comme si c’étaient là des choses absolument inopinées ; et tu ne seras plus le jouet des événements.

II

Dieu voit les âmes toutes nues[1], et dépouillées de ces enveloppes charnelles, de ces feuillages et de ces impuretés qui les cachent. C’est par son intelligence toute seule[2] que Dieu touche aux seuls êtres qui soient émanés de lui, pour s’écouler et descendre dans leur condition actuelle. Si tu parviens en ceci à imiter l’exemple de Dieu[3] même, tu te débarrasseras de bien des agitations qui te déchirent ; car celui qui ne tient pas compte de cette masse de chair où il est plongé, ne s’inquiétera guère, à plus forte raison, d’un vêtement, d’une maison[4], de la renommée qu’il

  1. Dieu voit les âmes toutes nues. On ne peut dire mieux.
  2. C’est par son intelligence toute seule. C’est la seule idée qu’on puisse se faire de l’action de Dieu sur les créatures, qu’il a produites. Tout esprit, c’est par là qu’il agit sur les esprits secondaires auxquels il a donné l’existence.
  3. À imiter l’exemple de Dieu. C’est-à-dire, à voir ton âme et celle de tes semblables de la même manière que Dieu les voit, en écartant tout ce qui les entoure et les dérobe à la vue.
  4. D’un vêtement, d’une maison… De là, le profond dédain du philosophe, d’un Socrate par exem-