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LIVRE XII, § XVI.

XVI

Quand quelqu’un me paraît avoir commis une faute, je me demande[1] : « Suis-je bien sûr que ce soit là une faute de sa part ? » Et si, de fait, il est réellement coupable, je me dis : « Ne s’est-il pas déjà condamné lui-même ? » Alors, c’est bien à peu près comme s’il s’était arraché les yeux de ses propres mains. Prétendre que le méchant ne fasse pas le mal, c’est comme si l’on prétendait que le figuier n’ait pas de suc dans ses figues[2], que les enfants à la mamelle s’abstiennent de vagir, que les chevaux ne hennissent pas ; c’est vouloir empêcher tant d’autres choses non moins nécessaires. Pouvait-on attendre autre chose d’un homme qui a une pareille complexion ? Guéris donc cette complexion même, si tu es si habile.

  1. Je me demande. Cette méthode de suspendre son jugement et d’examiner avant de condamner, est un excellent conseil de charité.
  2. N’ait pas de suc dans ses figues. Voir plus haut, liv. IV,  6, la même pensée exprimée par la même image.