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LIVRE II, § III.

c’est la nécessité et ce qui est indispensable à l’ordre universel dont tu fais partie[1]. Pour toute fraction de la nature, quelle qu’elle soit, le bien c’est ce que comporte la nature de l’universalité des choses et ce qui tend à la conserver. Or l’univers se conserve et se maintient par les changements des éléments et par les changements des composés qu’ils forment. Que cette conviction te suffise, et que ce soient là pour toi d’inébranlables principes. Quant à la soif désordonnée des livres[2], rejette-la bien loin de toi, afin de mourir un jour sans murmures[3], avec sérénité, avec la vérité en partage, et le cœur plein d’une juste reconnaissance envers les Dieux[4].

  1. L’ordre universel dont tu fais partie. Grande et féconde maxime, que nous oublions trop souvent au milieu de toutes les préoccupations de la vie.
  2. La soif désordonnée des livres. Voir plus haut, § 2, le conseil de laisser les livres de côté pour ne songer qu’à la pratique de la vie. Le conseil est excellent ; mais il y a temps pour tout ; et dans sa jeunesse, Marc-Aurèle n’avait pas eu tort de se livrer avec tant d’ardeur à l’étude. Sans ces exercices préalables et sans les maîtres, si justement célébrés par lui dans le livre précédent, il n’eut pas, plus tard, été si sage.
  3. De mourir… sans murmures. Forte maxime d’une application très-difficile et très-rare, et que Socrate a sanctionnée de son admirable exemple.
  4. Le cœur plein d’une juste reconnaissance envers les Dieux. Il n’y a pas un cœur bien fait qui, en approchant du terme, ne doive partager ces sentiments virils, Bossuet, en parlant de la Providence, a dit : « Ainsi nous devons entendre que cet univers, et particulièrement le genre humain, est le royaume de Dieu, que lui-même règle et gouverne selon