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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

sirs, et tu n’as plus à te soumettre servilement à cette enveloppe matérielle, d’autant plus vile que son esclave lui est absolument supérieur ; car d’un côté, c’est l’intelligence et le génie ; de l’autre, la terre et la fange.

IV

Ne consume pas le peu qui te reste de vie[1] en des pensées qui ne concernent que les autres, à moins que ce que tu fais ne se rapporte à l’intérêt commun ; car alors tu manques à un autre devoir, quand tu penses, par exemple, à ce que fait telle personne et aux motifs qu’elle peut avoir ; quand tu penses à ce qu’elle dit, à ce qu’elle médite, ou à ce qu’elle entreprend, et que tu te laisses aller à tant d’autres détails qui te détournent de cultiver le principe directeur[2] que

  1. Le peu qui te reste de vie. Il semble que le conseil excellent qui est donné ici ne se rapporte qu’à une époque assez avancée de l’existence, et qu’on doit songer à soi plus qu’aux autres surtout quand on approche du terme. Mais ce conseil a, je crois, plus de portée que cette application restreinte ; et dans la jeunesse tout aussi bien que dans l’âge le plus mûr, on doit ne s’occuper que fort peu de ce que font les autres, si ce n’est quand il s’agit de l’intérêt général. Que de médisances, que de discordes, que de luttes, que de fautes même on éviterait en pratiquant cet utile précepte !
  2. Le principe directeur.