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PENSÉES DE MARC-AURÈLE

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Tout ce qui arrive est aussi ordinaire et aussi connu que la rose au printemps et les fruits en été : par exemple, la maladie, la mort, la calomnie, la fourbe, et tout ce qui réjouit ou attriste les esprits faibles.

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Tous les faits qui se succèdent sont la conséquence naturelle de ceux qui les ont précédés ; ils ne forment pas seulement une addition d’unités séparées[1] les unes des autres et n’ayant pour raison d’être que leur nécessité ; ils sont reliés entre eux par une connexion logique. De même que ce qui existe a été disposé harmonieusement, de même, dans tout ce qui arrive, se manifeste non une simple succession, mais une admirable parenté.

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Souviens-toi toujours de ce principe d’Héraclite : « La mort de la terre consiste à devenir de l’eau, celle de l’eau à devenir de l’air, celle de l’air à devenir du feu, et réciproquement. » Souviens-toi aussi de celui qui oublie où conduit la route. Rappelle-toi que les hommes sont en désaccord avec la raison qui gouverne l’univers, malgré les rapports constants qui les [y] unissent ; que les choses que nous rencontrons tous les jours nous paraissent étrangères. Nous ne devons ni agir ni parler comme en dormant, car dans le sommeil [aussi] il nous semble que nous agissons et que nous parlons ; ni comme les pédagogues qui se bornent à dire : bref, c’est la tradition[2].

  1. [Conjectures de Gataker et de Schultz : ὰπηρτημένων μόνον.]
  2. La dernière phrase de ce morceau est inintelligible, et il n’est pas douteux que le texte en soit altéré. Voici ce texte d’après les manuscrits P, A, D : καὶ ὄτι οὺ δεῖ παῖδας τοκέων ὦν τοῦτ′ ἔστι κατὰ ψιλόν, καθότι παρειλήφαμεν. Ce qui rend d’ailleurs plus difficile encore la restitution du passage, c’est que toute cette pensée de Marc-Aurèle est composée de préceptes détachés ; on ne peut être aidé ici par la suite nécessaire des idées. Il semble toutefois que cette phrase se rattache à la précédente. En effet, toutes deux commencent de même ; les infinitifs dépendant de οὺ δεῖ, c’est-à-dire ποιεῖν καὶ λέγειν, exprimés dans la première phrase, sont vraisemblablement sous-entendus dans celle-ci. Cela admis, la logique ou la suite naturelle de la pensée amène la conjonction ὥσπερ, qui est déjà dans la phrase précédente, et que Gataker a très justement introduite dans celle-ci. Le sens serait donc : « Il ne faut pas agir et parler comme, etc. » Gataker a continué le sens en conservant les mots donnés par