Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


91
PENSÉES DE MARC-AURÈLE

où est sa fin, là est son intérêt et son bien ; donc le bien de l’animal raisonnable, c’est la société[1]. J’ai, en effet, montré déjà[2] que nous étions nés pour nous associer. N’est-il pas évident que les êtres inférieurs sont faits pour les supérieurs[3], et les supérieurs les uns pour les autres ? Or, les êtres vivants sont supérieurs à ce qui est inanimé et les êtres raisonnables aux êtres vivants.

17

Poursuivre l’impossible est une folie ; or, il est impossible que les méchants n’agissent pas comme tels.

18

Rien n’arrive à personne que la nature ne l’ait mis à même de supporter. Les mêmes accidents arrivent à tel autre qui, soit qu’il ne s’en rende pas compte, soit qu’il veuille faire montre de grandeur d’âme, tient ferme et demeure invulnérable. N’est-il pas étrange que l’ignorance et la vanité soient plus énergiques que la sagesse ?

19

Les choses elles-mêmes n’atteignent pas le moins du monde l’âme[4] ; elles n’ont pas d’accès jusqu’à elle ; elles ne peuvent ni la changer ni l’émouvoir ; seule elle se modifie et s’émeut elle-même ; c’est elle qui confère aux accidents extérieurs un caractère en conformité avec le jugement qu’elle porte sur elle-même.

20

À un certain point de vue, les hommes nous touchent de très près, en tant que nous devons leur faire du bien et les supporter ; mais en tant que certains d’entre eux s’opposent à notre œuvre propre, les hommes entrent pour nous dans la

  1. [Var. : « la solidarité. »]
  2. Cf. II, 1 ; III, 4 ; IV, 3 ; plus bas : XI, 18.
  3. Cf. V, 30 ; VI, 23 ; VII, 55 ; XI, 18.
  4. [Par « âme » entendre ici le principe directeur. Cf. infra V, 26, et la longue note.]