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de la charité chrétienne ! On voulait les priver de leurs honneurs, de leurs richesses, de leur puissance ; c'est pour cela qu'ils ont pris les armes, c'est pour cela qu'ils ont fait couler tant de sang, et non pour la défense de la justice ni de la vérité.

La seule lecture du savant ouvrage de Charles Labitte sur la Démocratie chez les prédicateurs de la Ligue prouve à toute évidence que le clergé n'a cessé d'exciter les haines dans un intérêt purement temporel et politique.

Dès les premiers jours, il prépare la Saint- Barthélémy. La chaire de vérité retentit d'odieuses insinuations : « Notre noblesse, s'écrie l'évêque Vigor en plein sermon, notre noblesse ne veut pas frapper ! . . . N'est-ce pas grande cruauté, dit-elle, de tirer le couteau contre son oncle, contre son frère ? Viens çà ; davantage lequel t'est plus propre : ton frère catholique et chrétien ou bien ton frère charnel huguenot ? La conjonction ou affinité spirituelle est bien plus grande que la charnelle, et partant je dis que, puisque tu ne veux pas frapper contre les huguenots, tu n'as pas de religion ! »

Et le père Le Picart, doyen de Saint-Germain-l'Auxerrois, conseille au roi de contrefaire le luthérien, afin que « lorsqu'ils se seront assemblés hautement partout, on puisse faire main basse sur eux tous et en purger une bonne fois le royaume ».

Le curé Fournier, prêchant sur ce texte de la Bible : « Allez à ce château qui est contre nous, » l'interprète ainsi devant les fidèles : « Au latin, il y a castellum ; mais ce n'est pas un vrai château ; comment le nommerons-nous ? Castellum est diminutif de castrum ; il faut le nommer en français châtelet ; châtelet n'est pas propre : il faut donc châtillon. C'est ce châtillon qui est contre vous et qui vous ruinera si vous n'y prenez garde. »

Or, Châtillon, c'est Châtillon de Coligny, l'amiral Coligny, le chef des huguenots.

Le pape lui-même fait chorus avec les prédicateurs. « En aucune façon et pour aucune cause, écrit Pie V à la reine-mère, il ne faut épargner les ennemis de Dieu... Aucun