Page:Pergaud - De Goupil à Margot, 1910.djvu/12

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Ce n’était pourtant pas le pressentiment d’une tournée infructueuse dans la coupe prochaine au long des ramées, car Renard n’ignore pas que, les soirs de pleine lune et de grand vent, les lièvres craintifs, trompés par la clarté lunaire et apeurés du bruit des branches, ne quittent leur gîte que fort tard dans la nuit ; ce n’était pas non plus le froissement des rameaux agités par le vent, car le vieux forestier à l’oreille exercée sait fort bien discerner les bruits humains des rumeurs sylvestres. La fatigue non plus ne pouvait expliquer cette longue rêverie, cette étrange inaction, puisque tout le jour il avait reposé, d’abord allongé comme un cadavre dans la grande lassitude consécutive aux poursuites enragées dont il était l’objet, puis enroulé sur lui-même, le fin museau noir appuyé sur ses pattes de derrière pour le protéger d’un contact ennuyeux ou gênant.

Maintenant sur les jarrets repliés, les yeux mi-clos, les oreilles droites, il se tenait figé dans une attitude héraldique, laissant s’enchaîner dans son cerveau, selon les besoins d’une logi-