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la guerre des boutons


gueuler les prières qu’il faut dire pour avoir le beau temps, tandis que les autres râlaient comme des veaux pour avoir la pluie.

« Les Longevernes ont voulu arriver les premiers et ils ont allongé le pas ; quand les Velrans s’en sont aperçus ils se sont mis à courir.

« Il n’y avait plus bien loin pour arriver à la chapelle, peut-être deux cents cambées[1], alors ils ont couru eux aussi ; puis ils se sont regardés de travers : ils se sont traités de feignants, de voleurs, de salauds, de pourris et, de plus en plus, les deux bandes se rapprochaient.

« Quand les hommes n’ont plus été qu’à dix pas les uns des autres, ils ont commencé à se menacer, à se montrer le poing, à se bourrer des quinquets comme des matous en chaleur, puis les femmes se sont amenées elles aussi ; elles se sont traitées de gourmandes, de rouleuses, de vaches, de putains, et les curés aussi, mes vieux, se regardaient d’un sale œil.

« Alors tout le monde a commencé par ramasser des cailloux, à couper des triques, et on se les lançait à distance. Mais à force de s’exciter en gueulant, la rage les a pris et ils se sont tombés dessus à grands coups et ils se sont mis à taper avec tout ce qui leur tombait sous la main : pan, à coups de souliers ! pan, à coups de livres de

  1. Enjambées.