Page:Pernette du Guillet - Rymes, Tournes, 1545.djvu/72

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Mais qu’on le plume sans mentir
Avant qu’il le puisse sentir.


la nuict.

La nuict estoit obscure, triste, & sombre,
Toute tranquille, & preste a malefice,
Tous animaulx reposantz soubz son umbre :
Mais mon esprit, tresprompt a son office,
Ne permettoit au corps de sommeiller
Un tant soit peu pour chose, que je feisse.
Parquoy contraincte en mon lict de veiller,
Entray si fort en contemplation,
Qu’on ne m’eust sceu en veillant resveiller :
Lors travaillant l’imagination
Je discourois plus avant, que les Cieulx,
Avecques doulce, & longue passion.
Advis m’estoit qu’en lieu délicieux
Je me trouvois avec un si grand aise,
Que souhaicter je n’eusse sceu de mieulx.
Car en ce lieu tout bruict, tout cry s’appaise,
Et n’oit on rien, dont fort je m’esbahis,
Qui me donna quelque peu de malaise.
Pour m’enquerir descouvrois le pais,
Et ne voyois que figures horribles,
Monstres du monde & de mon Jour hais.