m’ouvre : on m’introduit en me recommandant
le silence. J’entre sans lumière : on me délivre
de mon argent ; on m’enferme, on ressort. Une
demi-heure après j’entendis entrer quelqu’un,
qui, de la meilleure grâce du monde, prévient
mes caresses : le cœur me bat, je ne doute plus
de mon bonheur, je réponds aux transports de
ma dulcinée. Sans trop me connaître aux allures
d’un tendron, je n’imagine rien de plus
alerte ; l’idée remplie de Dona Thérésa, j’admire
l’élasticité de sa gorge, je me figure des
lèvres appétissantes, je touche des cuisses d’un
merveilleux embonpoint : quelle fête pour un
tempérament tout neuf ! C’est bien dommage
qu’au milieu d’une aussi agréable illusion je la
vois entrer brusquement elle-même, qui, la lumière
à la main, me fait voir la méprise la plus
dégoûtante. Je devins furieux et confus tout ensemble ;
trop heureux si j’en eusse été quitte à
si bon marché ; mais Dona Thérésa ne se contenta
pas d’augmenter ma confusion par ses ris
redoublés : comme elle craignait que cette histoire,
toute comique qu’elle était pour lors, ne
prît le lendemain un autre tour, elle envoya
prudemment chercher mon père, auquel elle
raconta mon équipée, en lui faisant remettre les
deux louis, qu’on trouva encore au vieil objet
de mes vœux, qui fut inhumainement mis à la
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DE JULIE