gnés : ce petit manège me plaisait sans en savoir
la raison. L’oisiveté, dans laquelle on avait pris
le parti de me laisser, servit à me faire naître
des désirs ; celui qui me dominait le plus, était
d’atteindre l’âge où l’on reçoit l’honneur d’être
traitée de grande fille : et pour y parvenir je ne
négligeais rien de ce qui semble en caractériser
le titre. Dans les chansons de ma bonne tante
l’Amour était toujours fêté à outrance : cette
répétition continuelle d’hymnes à sa louange me
donnait grande envie de le connaître ; mais aux
moindres questions que je faisais à la Daigremont
elle ne me répondait que le doigt sur la
bouche et d’un air mystérieux, qui faisait tout
l’effet nécessaire à son dessein : qu’on juge combien
ma curiosité se tenait satisfaite de son refus ;
il ne faisait qu’augmenter en moi l’envie de
connaître ce qu’on voulait me cacher, et je ne
m’appliquai bientôt plus qu’à dérober le secret
qu’on voulait me faire. Je demandai quelques
éclaircissements à mes petites compagnes : les
unes me rirent au nez, n’en sachant pas plus
que moi ; d’autres, élevées dans une vie religieuse,
rapportaient à ma demande les pieux
discours du saint amour que travaillaient à leur
inspirer les âmes dévotes dont elles recevaient
les saintes instructions. Cette dernière définition,
toute inconnue qu’elle m’était, ne satisfaisait
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LES ÉGAREMENTS