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DE JULIE


difficile de juger qu’en tâchant de se l’approprier, elle satisfaisait les deux passions dominantes dans notre sexe, l’amour et la vengeance.

Pendant les huit premiers jours de trouble et de confusion qu’avait excités la détention d’Andricourt, je n’avais vu rentrer son frère qu’avec une mauvaise humeur affectée, dont je n’avais pu m’empêcher de lui marquer à la fin mon ressentiment avec quelque aigreur, ce qu’il m’avait paru assez mal recevoir : il lui échappa même quelques paroles dures pour la première fois depuis que nous étions ensemble. Cet écart de sa part, joint à une absence continuelle, m’intrigua ; je m’imaginai cependant n’en devoir accuser que le trop de naturel pour son frère, auquel je ne connaissais que plus d’art qu’il n’en faut pour tourner l’esprit. Je ne doutai point que son dessein ne fût de me l’enlever : mais je ne m’en mis pas beaucoup en peine, bien persuadée de le ranimer au premier coup d’œil. J’allai, comme à l’ordinaire, chez la Renaudé, où la Beauval ne paraissait plus : M. Morand me dit un jour en entrant qu’il venait de la rencontrer avec Vépry. On badina sur l’infidélité des amants, sur leurs tracasseries : je ne fis pour lors aucune attention ; je plaisantai comme les autres. Je ne fus cependant pas plus tôt chez moi que je réfléchis à ce que j’avais