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LES ÉGAREMENTS


chaos général, je ne pouvais croire qu’on pût s’y reconnaître. Pour achever de m’étonner, le hasard nous fit rencontrer un brillant et leste équipage, accompagné de deux jeunes cavaliers uniformés, qui, tombant à coups de fouet sur notre humble voiture, crièrent au cocher de se ranger ; c’était madame la Duchesse de …… qui volait à Saint-Cloud dans une magnifique calèche à six chevaux, précédée de deux pages et d’un coureur ; j’en fus éblouie, quoiqu’en cet instant on eût grand soin de me dire que je ne voyais encore rien. Chacun se divertit amplement de ma surprise : heureusement pour moi que le voyage tirait à sa fin ; car elle eût donné matière à de nouvelles plaisanteries, dont on ne m’aurait sûrement pas fait grâce.

Cet air de magnificence changea tout à coup mon penchant pour mon amant de campagne : je devins parjure. Il m’avait paru le long du voyage gentil, amusant, aisé ; mais dans Paris ce ne fut plus cela : rien ne fut plus prompt que l’impression que je reçus en arrivant dans cette ville enchantée ; ma petite vanité, aussi folle que ridicule, m’offrait une perspective des plus riantes, et me persuadait que je n’avais qu’à paraître.

Lorsque nous fûmes descendus de carrosse chacun se salua, et, comme à l’ordinaire, tira de